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Les expressions culinaires de la langue française

Expressions culinaires françaises

Tirées du livre Comme disait ma grand-mère… de Sylvie Brunet

Copains comme cochons

Les doux liens de l’amitié figureraient-ils donc parmi les nombreuses qualités, certes quelque peu polarisées, reconnues communément aux cochons (cf. l’incontournable « dans le cochon, tout est bon ») ?
Certains n’en doutent pas une seconde et donnent à la locution le sens  d’une  relation sans  retenue, où les copains en question font preuve entre eux d’un sans-gêne et d’une familiarité excessifs, interprétation contaminée, sans doute, par le dicton populaire « on n’a pas gardé les cochons ensemble ».
D’autres préfèrent voir dans cette expression qui existe dès le XVIe siècle sous la forme « camarades comme cochons », un ancien « soçon », « sochon » provenant du latin socius, associé, ami, qui, comme l’explique Littré, n’étant bientôt plus compris, aurait été retouché en « cochon ».
« Ils se firent des grands adieux, ils se regrettaient, ils étaient copains comme cochons » (C. Rochefort, Les petits enfants du siècle)


Ne pas être dans son assiette

Difficile, lorsque vous entendez cette expression très courante, de ne pas vous figurer une table dressée avec des convives tout absorbés par le contenu de leur assiette !
Pourtant, cette assiette-là n’a rien à voir avec un récipient culinaire en porcelaine, mais désigne la position d’équilibre, la manière de se tenir assis, d’être en selle (on parle de « la bonne assiette » d’un  cavalier).  Dérivant vraisemblablement de la locution ancienne encore employée par George Sand, « sortir de son assiette » – qui s’appliquait à quelqu’un qui manifestant par sa conduite que son équilibre naturel était rompu, qu’il était « sorti de ses gonds », comme on dirait plus volontiers aujourd’hui -, l’expression « ne pas être dans son assiette » est apparue au XIXe siècle et s’est figée à la forme négative.
Elle peut aussi bien s’appliquer à quelqu’un de fatigué, patraque, qu’à quelqu’un en proie à une idée, un souci qui l’accapare et le déstabilise. Dans tous les cas, physique comme psychologique, c’est l’expression qui semble la plus à même de transcrire un malaise dont la cause n’est pas avérée.
« Pour quelqu’un qui ne connaissait pas d’Artagnan, il paraissait dans son assiette ordinaire ; pour ses amis, c’est-à-dire pour Athos et Aramis, sa gaieté était de la fièvre. » (A. Dumas, Vingt ans après)


Compter pour du beurre

D’entrée de jeu, vous gageriez que cette expression n’a pas vu le jour en période de privations alimentaires…
Car toute la question est là : comment le beurre, porteur d’ordinaire de l’idée d’engraisser, enrichir, prospérer (cf. les expressions « faire son beurre », « mettre du beurre dans les épinards », « le beurre et l’argent du beurre »)  a-t-il pu prendre, dans cette locution née au début du XXe siècle le sens de ce qui est négligeable, de ce qui n’est pas jugé digne d’être pris en considération ? Nombreux commentateurs se cassent les dents sur ce beurre, qu’ils vont jusqu’à imaginer employé par confusion avec un autre terme !
Pourtant, Larousse notait au XIXe siècle que quelqu’un était dit « vendre du beurre » lorsqu’il était laissé de côté dans une société, lorsqu’une jeune fille faisait tapisserie à un bal, par exemple. Et Littré nous tend une très grande perche : « Terre de beurre, elle fondra au soleil : dicton des marins pour désigner un brouillard lointain qu’un œil inexpérimenté prend pour la terre. ». Dire d’une chose qu’elle est « de beurre » (locution attestée depuis le XVIe siècle), reviendrait donc à dire qu’elle est inexistante. Les enfants, quand ils jouent, pour se démarquer  du  réel, ne prennent-ils  pas  soin  d’affirmer « c’est pour de faux » ou « c’est pour du beurre »?
« Il se fit un abondant silence à l’entour, et la majeure partie du reste du monde se mit à compter pour du beurre. » (B. Vian, L’Écume des jours)


Pas plus que de beurre en branche

Et comme si ce n’était pas assez compliqué d’imaginer du « beurre en branche », vous connaissez des variantes, plus ou moins policées, de cette expression : « pas plus de… que de beurre en broche », « pas plus de… que de beurre aux fesses au cul » !
Dans tous les cas, le sens est limpide, l’idée étant de transcrire une surenchère dans l’inexistence d’une chose : « Il n’y a pas plus de… que de beurre en broche. » Car du beurre mis en broche aura tôt fait de disparaître, de même qu’exposé à la chaleur de différentes parties du corps. Colin cite, dans son Dictionnaire de l’argot français, « pas plus que de beurre sur la main » qui aurait de loin précédé les fesses et le cul. Et Duneton vient éclairer la locution à partir d’un autre angle, en précisant que « c’est le miel qui est en broche, c’est-à-dire en rayon, au sortir de la ruche » (les « bresches » servant encore aujourd’hui, dans le langage des apiculteurs, à désigner les rayons). Ces bresches de miel qui, par méconnaissance, furent bientôt transformés en « broche » puis en « branche », n’auraient-elles pas contaminé notre beurre ?
« Quant au fromgi, macache, et pas pu d’confiture que d’beurre en broche. » (H. Barbusse, Le feu)


Avoir un boeuf sur la langue

Si encombrée est votre langue par ledit animal qu’elle s’en trouve paralysée, d’où le sens de l’expression : garder un silence obstiné, être empêché de parler. Mais comment ce paisible animal de labour s’est-il donc retrouvé là ?
On pourra facilement justifier, en s’appuyant sur de nombreuses comparaisons où figure l’animal, telles « fort comme un bœuf », « lourd  comme un bœuf », « saigner, souffler comme un bœuf », qu’il ait été choisi, par les locuteurs d’une société vouée à l’agriculture, comme symbole du poids le plus puissant, de l’entrave absolue… À moins qu’on ne préfère voir dans cette locution apparue au XIXe siècle la référence à une coutume qui date de I’Antiquité, où une pièce de monnaie à l’effigie d’un bœuf, placée sur fa langue de quelqu’un, achetait son silence …
« Il ne put répondre un mot. Et il pense à part lui : Bos in lingua. L’homme interdit a un bœuf sur la langue. » (V. Hugo, L’homme qui rit)


Bon comme la romaine

De deux choses l’une : ou bien cette expression fait référence à une femme romaine oubliée (si oubliée qu’elle en a même perdu sa majuscule) d’une légendaire bonté, ou bien c’est la salade qui est ici mise en vedette, avec son goût indéniablement savoureux…
La comparaison est apparue au début du XXe siècle, et il semble bien qu’elle soit de nature maraîchère. Désignant une variété de laitue particulièrement croquante, elle devrait son nom selon les uns à son importation d’Italie (on disait alors « laitue romaine »), et, selon d’autres, plus précis et diserts, tel Littré, au fait qu’elle passait pour avoir été rapportée d’Avignon, où résidait la cour pontificale, par le chambellan de Charles V et Charles VI, Bureau de la Rivière. Est-ce à cette noble origine qu’elle devrait son caractère « bon » ? Ou à son goût unanimement prisé ? En tout cas, « bon comme la romaine » se dit d’une personne d’une grande bonté, d’une extrême gentillesse (on dit aussi, avec le même sens, « bon comme le pain »). Un être tellement bon, même, qu’il en devient la victime idéale de toutes sortes de situations calamiteuses, la proie toute désignée des entourloupes et autres traquenards.
« Pour là où ils vont vous envoyer, Lévy, Isaac, Abraham, Blum Macaroni ou Mohamed, c’est pareil ; on est bons comme la romaine. » (C. Simon, L’Acacia)


Sabler le Champagne

Même si « sabrer le champagne » s’entend beaucoup ces dernières années, et même si, lors d’une fête, il y aura toujours un convive assez téméraire pour entreprendre de montrer aux autres comment, à défaut de sabre, on s’y prend avec un couteau de cuisine pour trancher net un goulot de champagne, l’expression authentique repose bien sur cet inexplicable sable.
Dès le XVIIe siècle, on disait « sabler un verre de vin » au sens de le boire d’un trait, très vite par analogie avec le métal en fusion versé rapidement dans le moule de sable. Jusqu’à la fin du XIXe siècle, l’image technique s’appliquait à tout alcool bu d’un trait, « cul sec » comme on dirait aujourd’hui. Puis l’expression s’est spécialisée dans le champagne, à l’exclusion de tout autre alcool, et a dévié peu à peu vers un sens qui a éliminé toute idée de vitesse, au profit de celle de célébration d’un événement d’importance.
« L’officier prit aussitôt son parti en homme d’esprit, et après avoir remercié son hôte sur le même ton, il se mit à sabler le champagne, qui ne lui fit pourtant pas perdre une ligne de son sang-froid, et à creuse un excellent pâté. » (G. Sand, Consuelo)


Faire bonne chère

Le  mot « cher » remonte au grec kara, la tête, et était employé  couramment  en ancien français pour désigner  le visage. « Faire bonne chère à quelqu’un », c’était donc, au XIIIe siècle, faire bon visage à quelqu’un, bien l’accueillir (et « faire mauvaise chère », mauvais visage). Pour bien accueillir ses hôtes, on les régalait d’un bon repas, et c’est le sens qu’a bientôt pris la locution. Peu à peu, l’idée de visage et d’accueil se sont  retirés du mot, qui a conservé, sans doute sous l’influence de son homonyme, « chair », l’idée de bien manger dans quelques expressions « faire chère lie », « faire gode chère », parmi lesquelles seule « faire bonne chère » a survécu.
Aujourd’hui, le syntagme « bonne chère » existe même isolément de l’expression, puisqu’on peut « aimer la bonne chère », être « amateur de bonne chère », toutes formulations qui suggèrent l’emploi d’ingrédients choisis parmi les meilleurs, en vue de l’élaboration de mets raffinés.
Harpagon : Dis-moi un peu, nous feras-tu bonne chère ?
Maître Jacques : Oui, si vous me donnez bien de l’argent. (Molière, L’avare)


Faire chou blanc

Drôle de légume, vous dites-vous ! Il a une bonne tête, passe par plusieurs couleurs (rouge, vert, blanc) et se décline en de multiples variétés. Il semble même avoir été si omniprésent dans les marmites de nos ancêtres que nombre de locutions en ont gardé trace, parmi lesquelles celle-ci ne vous paraît pas la moins mystérieuse.
« Bête comme chou » (fondé, selon Littré, sur la plaisanterie : il a une tête mais ne pense pas !), « être dans les choux », « faire ses choux gras de quelque chose » (engraisser ses choux, c’est tirer profit de quelque chose), « ménager la chèvre et le chou »… sans compter toutes les locutions qui étaient encore en usage au XIXe siècle et qui ont disparu depuis (« aller à travers choux », « tonner sur les choux », « ramer des choux », etc.). Dans « faire chou blanc », en revanche, l’existence dudit légume est fortement mise en question.
En effet, l’expression qui est apparue au XVIIIe siècle, avec le sens de « subir un échec, ne pas aboutir », viendrait peut-être du jeu de quilles où l’on disait « faire coup blanc » lorsqu’on n’en abattait aucune. « Choup blanc » en serait la version berrichonne, qui aurait été réinterprétée en un « chou blanc » lequel, s’il paraissait un peu cocasse, avait néanmoins le mérite d’être une forme limpide à tous. Les sceptiques pourront tout de même s’aventurer sur une autre voie et constater, même si cela ne fournit pas la clé de l’expression, que dans « échouer » il y a du chou…
« A Matignon, Pompidou proposait aux syndicats l’organisation d’un statu quo social, mais faisait chou blanc. » (G. Perec, La disparition)


Vivre comme un coq en pâte

L’origine et le sens premier de cette expression apparue au XVIIe siècle, « être ou vivre comme un coq en pâte », se révèlent quelque peu embarrassants. Littré évoque un coq engraissé avec force pâtée pour être mangé rapidement et cite l’existence de l’expression « coq au panier » avec le même sens. Furetière assure qu’il s’agirait d’un « homme bien couvert et bien chaudement dans son lit, et qui ne montre que la tête », un coq étant compris comme « un notable bourgeois ». Le Robert des expressions avance qu’il y aurait croisement entre le « coq au panier », « coq de bagage » qu’on transportait au marché avec le plus grand soin, et les viandes qu’on couchait dans un lit de pâte pour constituer des pâtés qui procureraient du bien-être à qui les mangerait…
Mais une expression relevée par Duneton, datée du milieu du XVIIe siècle, n’ouvrirait elle pas une autre voie ? Étant donné que « elle est bonne à mettre en pâte » se disait alors d’une personne grosse et grasse, ne peut-on supposer, pour expliquer notre « coq en pâte », que l’expression se soit appliquée, par ironie, à quelqu’un de gros et gras (bon à mettre en  pâte)  qui, tel le coq en position dominante dans la basse-cour, faisait admirer son embonpoint à tous ?
« Et tu vis là, chez moi, comme un chanoine, comme un coq en pâte, à te goberger ! » (G. Flaubert,  Madame Bovary)


Un cordon bleu

Apparue au début du XIXe siècle pour désigner une cuisinière émérite -jamais  un cuisinier, malgré son genre masculin -, l’expression est issue du ruban honorifique bleu qui distinguait sous l’Ancien Régime les chevaliers de l’Ordre du Saint-Esprit. De là, l’expression « cordon bleu » commença à s’employer pour qualifier une chose d’excellence, le nec plus ultra d’un domaine, avant de se spécialiser dans le mérite culinaire. Bref, un peu comme si, aujourd’hui, pour complimenter la maîtresse (ou le maître) de maison pour son excellent repas, on la gratifiait d’un « Vous êtes une légion d’honneur » !
« Mon grand-oncle avait pour cuisinière un cordon bleu qui, n’ayant jamais affaire qu’à des palais d’une expérience et d’un discernement consommés, mettait un amour-propre immense à les contenter. » (G. Sand, Histoire de ma vie)


Pendre la crémaillère

Vous savez que c’est la formule consacrée pour désigner la petite (ou grande) fête qui vous permettra de visiter pour la première fois le nouveau logis d’un parent ou d’un ami, et vous avez remarqué que certains hôtes scrupuleux vont jusqu’à suspendre, ce jour-là, quelque chose dans la cheminée (à supposer que le nouveau logement en possède une).
Car la « crémaillère », mot d’origine incertaine (peut-être remontant à une forme grecque qui désignait l’action de suspendre), est, définit Littré avec une grande précision, une « pièce de fer plate, dentelée et recourbée par le bas, qu’on suspend dans les cheminées pour soutenir la marmite » où l’on fait cuire le repas. Déjà attestée à son sens actuel dans le dictionnaire de l’Académie, en 1694, l’expression est restée bien vivante et a même engendré des dérivés, puisque « la pendaison de crémaillère » est entrée dans le lexique, laquelle, même si on ignore généralement à quoi elle fait exactement référence, exhale en français moderne un petit parfum rétro d’objet de brocante extrêmement prisé.
« Il écrivit donc à tous les quatre de venir prendre la crémaillère le dimanche suivant, à onze heures juste, et il chargea des lauriers d’amener Sénécal. » (G. Flaubert, L’éducation sentimentale)


Etre le dindon de la farce

Vous supposez à l’origine de l’expression une allusion culinaire : celui qui est la victime, le dupe, ne se fait-il pas prendre, en définitive, comme un dindon dans une farce ?
Explication tentante pour ce « d’lndon » (la dinde étant originellement la « poulle d’Inde »), mais qui n’est sans doute pas la bonne. En effet, si le sens de « être la victime toute désignée, se faire duper » est sans conteste possible celui de l’expression à partir de la fin du XVIIIe siècle -et surgira même dans son sillage le verbe « dindonner » pour signifier duper, tromper -, la farce en question semble plutôt désigner une plaisanterie, un mauvais tour joué à quelqu’un, le dindon y tenant le rôle qu’on attribuerait plus volontiers de nos jours au pigeon !
Et l’on suggérerait même d’y voir une allusion directe à la fable de La Fontaine, intitulée Le Renard et les Poulets d’Inde, où le rusé renard, pour faire tomber d’un arbre, étourdis, des dindons bons à croquer, leur mime une véritable farce :
(Le renard) eut recours à son sac de ruses scélérates, feignit vouloir gravir, se guinda sur ses pattes, puis contrefit le mort, puis le ressuscité. Harlequin n’eût exécuté tant de différents personnages.
« Ici l’expatrié est le dindon de la farce, le dernier à comprendre. » (N. Huston, Nord perdu)


Rouler dans la farine

Vous ne l’avez pas plus tôt entendue que surgit l’image d’aliments si bien tournés et retournés dans la farine avant d’être jetés dans l’huile de friture qu’on n’en distingue plus la nature exacte. Mais est-ce bien du côté des cuisines qu’il faut chercher l’origine de cette expression ?
Déjà, en latin classique, I’expression ejusdem farinae, de la même farine, servait à désigner deux choses ou deux personnes de même nature, et le français du XVIe siècle la remit en circulation, avec l’idée péjorative que ces choses, ou personnes, ne valaient pas mieux l’une que l’autre. Mais cette nuance de dénigrement ne suffit pas à expliquer la farine de notre expression, même si l’idée de tromperie est déjà portée par le verbe familier « rouler ». Quitard nous en fournit la clé, en rappelant que, autrefois, au théâtre, « le personnage d’un imbécile avait la figure saupoudrée de farine et le nom de Jean-Farine ». Ainsi donc, rouler quelqu’un dans la farine, se faire rouler dans la farine, c’est abuser, se faire abuser, aussi facilement que celui qui venait sur scène avec, pour reprendre une expression proche qui a encore cours aujourd’hui, « la gueule enfarinée » de l’imbécile de service.
« On se fait avoir à tous les coups ! Vous verrez que ces Saint-Aubert-de-Mes-Deux vont nous rouler dans la farine ! » (B. Poirot-Delpech, L’été 36)


Mi-figue mi-raisin

Vous imaginez une sorte de greffe, de croisement entre les deux fruits qui garderait de la figue le goût très sucré et prendrait du raisin la saveur plus subtile…
Même si cette locution apparue au XVe siècle sous la forme « moitié figue, moitié raisin » (quelquefois accordée au pluriel) ne doit sans doute pas grand-chose aux manipulations inventives du jardinier, le résultat en est bien mitigé et le sens à chercher du côté de l’équilibre entre deux choses différentes : agrément et désagrément, bonne volonté et contrainte, amabilité et rudesse, féminin de figue et masculin de raisin. Et les termes seraient plutôt à inverser, si l’on s’en réfère aux images véhiculées par les deux fruits depuis I’Antiquité, la figue étant on ne peut plus courante en Grèce, négligeable, les raisins étant plus raffinés.
L’anecdote selon laquelle les Corinthiens mêlaient autrefois dans leurs exportations à destination de Venise des figues sans valeur aux raisins prisés, pour faire bon poids, est sans doute peu fiable, de même que la mention de la figue prise au sens de sexe féminin (encore employée à ce sens en italien) n’est pas d’un grand intérêt. Le fait que figues et raisins, les deux fruits secs consommés au moment du carême, étaient par tradition rapprochés et complémentaires, ne fournit-il pas une justification suivante à cet emploi figuré ?
« L’auteur de la lettre ne fut point découvert, et les voisins de Josse, interrogés, firent des réponses mi-figue, mi-raisin. » (M. Yourcenar, L’œuvre au noir)


En rester comme deux ronds de flan

Que n’est-on allé chercher pour expliquer cette expression servant à transcrire un état de stupéfaction, qui date de la fin du XIXe siècle ! On a eu recours au sens de pièce de monnaie que peut avoir le flaon ou flan (ce qui expliquerait qu’on reste là, frappé comme de la monnaie), on y a vu un terme de typographe, une graphie erronée des flancs-fesses. On a sondé les autres emplois du « flan » dans la langue familière qui, pour comble de malchance, sont polysémiques : « du flan ! » : zut !, « au flan » : au hasard, « c’est du flan ! » :c’est bon, ou, selon le contexte, c’est du pipeau !
Surtout cela domine largement l’image du flan-pâtisserie, qui se prépare avec des ingrédients à la portée de tous, qu’on pouvait se procurer à bon marché, pour deux sous, pour deux ronds, comme Duneton relève, à juste titre, qu’on disait à ce moment-là en langage populaire. Et n’y trouverait-on pas confirmation jusque dans le léger tremblement qui fait bouger le flan, comme lorsqu’on accuse le choc d’une surprise violente ?
« (Une femme) d’une voix tellement émue et avec ses sentiments les plus sincères que j’en suis resté comme deux ronds de flan et pourtant je ne sais même pas ce que ça veut dire. » (É. Ajar, La vie devant soi)


A la fortune du pot

Le mot « fortune » est pris ici à son sens ancien. Dans l’Antiquité, la déesse de la fortune, Fortuna, était représentée sous les traits d’une belle jeune femme aveugle, dispensant aux hommes biens et maux à partir d’une corne d’abondance où elle puisait à pleines mains. La fortune, c’était donc la chance, bonne ou mauvaise, le hasard, favorable ou défavorable. C’est justement de cela que rendait compte la locution familière ancienne « courir la fortune du pot », qui s’entendait au sens de prendre le risque de faire un mauvais repas en arrivant à l’improviste, le pot désignant la marmite où l’on fait bouillir les viandes et légumes (« pot-au-feu »). Héritant de cette expression, « inviter quelqu’un à la fortune du pot », apparue au milieu du XVIIIe siècle, introduit une nuance de franche convivialité, de partage sans façon qui met toujours à l’aise celui qui en bénéficie.
« Il ne restait qu’à inviter les amis, à la fortune du pot, et à parler encore, tard dans la nuit, de l’art bien sûr… » (A. Camus, L’exil et le royaume)


A la bonne franquette

Voici encore, un nouvel exemple de mot que seule sa participation à une locution figée semble avoir préservé d’une disparition totale du français : la « franquette ».
Cette forme modelée à partir de l’adjectif « franc » et donnée pour régionale (de Picardie ou de Normandie), aurait d’abord été connue au XVIIe siècle dans l’expression « à la franquette » au sens de franchement, avant de devenir, au XVIIIe siècle « à la bonne franquette » qui prend le sens, encore actuel, de « sans faire de façons », « avec simplicité ». Étrangement, Rat, dans les années 1950, observait que « à la bonne flanquette remplace de plus en plus franquette », laquelle, il faut croire, a depuis lors contre-attaqué et évincé l’usurpatrice « flanquette ». Tout comme « à la fortune du pot » déjà rencontrée plus haut, la locution, répétée plusieurs fois à la forme exclamative, constitue une façon de mettre à l’aise celui qu’on invite à l’improviste à partager son repas.
« Je suis invité à la bonne franquette, à la fortune du pot (ce que je déteste, soit dit en passant : je veux que l’on se mette en frais pour moi, surtout quand on me soulage de cent mille balles). (J. Dutourd, Pluche ou à l’amour de l’art)


Veiller au grain

Comme le dit le proverbe ancien « l’œil du fermier vaut fumier » : jusqu’à la récolte, bien des choses peuvent se produire, ainsi le paysan ne doit-il pas relâcher son attention. Ainsi interprétez-vous cette locution.
Si l’expression exprime bien l’idée de rester vigilant, de se prémunir contre un danger qui pourrait survenir, elle ne relève cependant pas de l’agriculture, mais appartient au langage des marins. Car ce grain, mentionné par Rabelais, sert à désigner un vent violent qui se lève de façon imprévisible et cause beaucoup de ravages (les grains des grêlons sont peut-être à l’origine du mot).  La locution est passée au sens figuré au XIXe siècle, et même si on a généralement perdu  l’image  maritime, l’idée de se tenir sur ses gardes sans relâcher du tout son attention est intacte dans l’usage qu’on en fait aujourd’hui.
« Il ne dormait plus, il voulait savoir si la découverte offrait quelques chances de fortune, et pensait à veiller au grain, selon son expression. » (H. de Balzac, Les Illusions perdues)


Séparer le bon grain de l’ivraie

L’ivraie vient  en effet  du  latin ebriaca  (cf. le français « ébriété ») et désignait une herbe nuisible dont la consommation provoquait un état d’ivresse. La locution apparaît au XVIIe siècle sous la forme « séparer l’ivraie d’avec le bon grain » et fait référence à la parabole contée dans l’Évangile de Matthieu (XIII), où un homme qui avait planté de bonnes semences vit son champ envahi par l’ivraie qu’y sema son ennemi à son insu. Comme cet homme qui, au jour de la récolte, séparera les épis de blé des mauvaises herbes, qu’il brûlera, Jésus explique que « quand les temps prendront fin », les bonnes semences que sont les fils du royaume devront être distinguées des mauvaises herbes que sont les fils du mal.
Aujourd’hui, sans doute à cause du fait que « l’ivraie » était devenue difficile à comprendre, le premier terme de la locution est désormais « le bon grain », et son sens figuré, laïcisé et édulcoré, est devenu synonyme de « faire la part des choses bonnes par rapport aux mauvaises ».
« … je ne propose pas de séparer en chaque philosophie le bon grain de l’ivraie au nom de quelque philosophia prennis. » (J. Derrida, L’Écriture et la Différence)


La fin des haricots

« C’est la fin des haricots ! » Vous lancez la locution sur le ton de la plaisanterie, tout en songeant à ce conte des frères Grimm qui vous émerveillait tant quand vous étiez enfant, Jacques et le Haricot magique.
Mais aucune magie ne semble présider à la naissance de cette expression datée du XXe siècle qui, de l’aveu de tous les spécialistes, reste très obscure. On a aujourd’hui oublié que le « haricot » était à l’origine un ragoût de mouton accompagné de fèves (on dit encore « haricot de mouton » qu’on interprète, à tort, comme une viande de mouton servie avec des haricots) s’expliquant à partir du vieux verbe « harigoter », couper en morceaux. On se doute que ce qui faisait la richesse du plat, c’était plus la  profusion de viandes que de légumes (appelés alors « fèves de haricot » ou « pois d’haricot »). Aliment peu luxueux qui rassasie, le légume sec haricot est devenu, à date plus récente, le symbole de la nourriture servie en collectivité (internats, pensions, prisons), et l’expression « des haricots ! » s’emploie depuis le début du XXe siècle avec le même sens que d’autres exclamations faisant intervenir une denrée de peu de prix (prunes, nèfles) : rien du tout !
« La fin des haricots » – moment où fait défaut même ce qui ne vaut rien – incarnerait donc une figure de la pauvreté à son comble, de la disette absolue, image transparente pour tous, qu’elle soit née dans l’argot des tranchées, comme le pensent certains commentateurs, ou simplement dans la langue populaire du début du XXe siècle où la préoccupation majeure restait de « faire bouillir la marmite » !
« La grande horreur, le tumulte, le malaise, la fin des haricots, l’état de siège… » (J. Prévert, Paroles)


Pleurer comme une madeleine

Vous trempez dans votre tasse de thé le petit gâteau blond, aux rainures finement moulées, et tandis que vous le portez à votre bouche, il laisse échapper de fines gouttelettes. Voilà donc ce que suggère pour vous cette madeleine qui pleure sur le mode proustien…
On disait, au XIIe siècle, « faire la Madeleine » pour désigner quelqu’un qui affectait de se repentir, par référence à la pécheresse repentante, native du bourg de Magdala, en Galilée, qui vint mouiller de ses pleurs les pieds de Jésus, ainsi que le rapporte l’Évangile (Luc, VII, 36). C’est à celle-ci qu’il convient de faire remonter notre expression, apparue au X IXe siècle – qui fut aussi marqué par la création du petit « gâteau madeleine » par une cuisinière de grand talent, Madeleine Paumier.
Si on n’a aujourd’hui aucune peine à saisir le sens de la locution (pleurer abondamment, à chaudes larmes), on a toutefois spontanément tendance à la rattacher au petit gâteau, à cause de l’article indéfini « une » qui l’accompagne, donnant à penser qu’il s’agit d’une madeleine quelconque, et à cause de l’omission fréquente de la majuscule, certains auteurs pouvant aller, comme Balzac, jusqu’à décliner la locution au pluriel, « comme des madeleines » !
« Il est étendu comme un veau sur son lit et pleure comme une madeleine. » (H. de Balzac, Eugénie Grandet)


Tirer les marrons du feu

Cela vous rappelle quelque chose, ces marrons tirés du feu… mais quoi, à part l’hiver, les mains gelées, le goût délicieux des marrons tout chauds qui vous brûlent les doigts ?
Oui, justement, il y a ceux qui se brûlent les doigts pour les saisir, et ceux qui préfèrent se concentrer sur le seul plaisir de la dégustation, en les laissant être saisis par d’autres, comme dans la fable de La Fontaine, intitulée Le Singe et le Chat, où le chat Raton retire du feu les marrons au fur et à mesure qu’ils sont grillés, au profit de Bertrand le singe qui s’en régale. La locution existait déjà sous la forme « tirer les marrons du feu avec la patte du chat » avant La Fontaine, qui en a vraisemblablement assuré la popularisation et la survie. Dès 1640, Oudin donnait même une définition très précise de son sens figuré : « se tirer d’un danger ou d’un dommage par le moyen d’une autre personne ». Mais la patte du chat qui avait déjà autrefois disparu de la locution semble, à date récente, avoir été définitivement escamotée de l’action, puisqu’il paraîtrait que l’expression « tirer les marrons du feu » soit aujourd’hui employée sans supposer l’aide d’une tierce personne, suggérant qu’on s’est tiré à son profit d’une situation très délicate, sans y regarder de trop près sur les moyens qu’on a dû employer pour y parvenir.
«  Je ne veux point être le chat dont on se sert pour tirer les marrons du feu, et quand je les tire, je les veux manger. » (Voltaire, Lettres à son imprimeur)


Mettre les pieds dans le plat

Vous l’imaginez sans peine, ce malotru, ce grossier personnage : non content de se vautrer sur son siège, il met ses pieds sur la table qui, comme de bien entendu, finissent par atterrir dans le plat en train de refroidir…
C’est effectivement d’un comportement grossier, qui fait fi de tous les égards dus à la politesse et aux convenances, que semble s’inspirer cette locution apparue au début du XIXe siècle. Delvau tente d’en cerner avec précision les contours figurés :
« Ne conserver aucun ménagement, ne prendre aucune précaution, ni garder aucune mesure en parlant ou en agissant. »
Celui qui « met les pieds dans le plat » commet en effet un impair, exhibant avec indiscrétion ce qui était aussi visible qu’un plat au milieu d’une table (mais que tout le monde faisait mine de ne pas voir), il commet une « gaffe ». C’est d’ailleurs à cette dernière que Guiraud rattache l’expression « mettre les pieds dans le plat » qui n’aurait, affirme-t-il, pas de rapport direct avec l’ustensile de cuisine. En effet, le plat serait à prendre à son sens premier d’étendue plate et évoquerait, comme la « gaffe », l’idée de patauger, d’agiter les pieds dans une petite étendue de boue.
« Coste-Floret, l’anthropophagie faite ours mal léché et les pieds dans le plat. » (A. Césaire, Discours sur le colonialisme)


Entre la poire et le fromage

L’ordre de succession des deux mets dans la locution est bien conforme aux mœurs de table des Anciens. En effet, dès le Moyen Âge, après force rôtis et pâtés, on se désaltérait de poires (d’où l’expression « garder une poire pour la soif »}, fruits très prisés, avant de passer au fromage, lequel marquait la conclusion du repas. Au XVIIe siècle, Furetière glose la locution en ces termes : « Pendant le dessert, lorsqu’on est entre deux vins, qu’on dit les bons contes et les bons mots ; en parlant de la gaieté qu’on a à la fin d’un repas. » C’est donc le symbole d’un moment de bien-être, de confiance où les langues se délient.
Aujourd’hui, l’expression semble avoir conservé le sens temporel, mais pas les modalités qui en faisaient un moment privilégié.  Et on dit désormais qu’on  parlera  d’une  chose « entre la poire et le fromage » pour signifier simplement qu’on trouvera une occasion pour en parler, qu’on s’en occupera à un moment ou à un autre, à un moment perdu, la chose n’étant pas jugée assez importante pour qu’on lui fasse un sort immédiat.
« Adieu, tout à toi, écris-moi entre la poire et le fromage. » (G. Flaubert, Correspondance)


Tomber dans les pommes

Jusqu’à récemment, les linguistes proposaient de voir à l’origine de l’expression l’ancienne formule « tomber dans les pâmes » où le mot « pâmes » (synonyme de « pâmoison », évanouissement), ayant cessé d’être compris, aurait été absurdement   converti,  dans le langage populaire,  en « pommes ». Peu convaincant, rétorque-t-on aujourd’hui, car le verbe « pâmer » a disparu dès le XVe siècle et, même en cherchant  bien, on n’a trouvé  aucune  attestation  de « être ou tomber dans les pâmes ». En revanche, au moment où l’expression voit le jour, à la fin du XIXe siècle, circulent des formules telles que « être dans les pommes cuites » pour être dans une situation critique, dans un état d’épuisement (chez G. Sand, par exemple), et « jeter des pommes cuites à quelqu’un », pratique courante au théâtre sur des acteurs jugés trop mauvais, signifiait « huer, désapprouver une personne en public ». Un petit saut logique (dont les ressorts nous demeurent mystérieux, mais qu’on peut supposer favorisé par le souvenir de « se pâmer ») et nous voilà nous écroulant de faiblesse dans de vraies pommes !
« Et il fallait plus qu’on me fasse cher sous prétexte que j’étais tombée dans les pommes avant d’avoir pu manger un croissant. » (M. Winckler, La maladie de Sachs)


Etre soupe au lait

Par allusion au lait qui monte à l’ébullition, déborde et se répand, on a commencé à employer au XVIIIe siècle l’expression« s’élever comme une soupe au lait », puis « monter, s’emporter comme une soupe au lait » pour parler d’une personne qui se met facilement en colère. « Être soupe au lait » sert donc à qualifier une personne irascible, qui s’enflamme pour un rien.
Pourtant, il semble qu’une confusion se soit installée, car, étrangement, ce n’est pas avec ce sens qu’on entend la locution depuis quelques années. Est-ce sous l’effet de ce lait qui adoucit la soupe (« doux comme lait », disait la métaphore ancienne) et connote l’univers tout en mollesse du bébé ? Toujours est-il que « c’est une vraie soupe au lait » ou « il est un peu soupe au lait » semble s’employer dorénavant pour dire d’une personne qu’elle a tendance à se laisser émouvoir, à larmoyer trop facilement. Est-ce là l’indice d’un changement de sens de l’expression, auquel on assisterait en direct ?
« Je suis vif, je m’échauffe, je m’emporte comme une soupe au lait… et je deviens d’une brutalité ! » (E. Labiche, Embrassons-nous Folleville !)


Casser du sucre sur le dos

Le sens, du moins, ne vous pose aucun problème : « casser du sucre sur le dos de quelqu’un », c’est dire du mal de lui en son absence, lorsqu’il n’est pas là pour se défendre. Mais d’où vient cette image amusante ?
Autrefois, avant que le sucre ne s’achète en morceaux bien calibrés dans des supermarchés, il fallait en acquérir tout un pain que l’on débitait en morceaux au fur et à mesure de ses besoins. Ce qui n’explique pas comment cette nécessité domestique a pu devenir synonyme de médisance… Sans doute par l’intermédiaire du sucre qui, comme le souligne Littré, appliqué à des paroles, devenait plus doucereux que doux. C’est à partir de cette idée de paroles sucrées, flatteuses, hypocrites, qu’on en est, peut-être, arrivé à la locution « se sucrer de quelqu’un » qu’on relève au XVIIIe siècle, qui signifiait « le prendre pour un imbécile », tout comme on dira plus tard, en argot, « sucrer quelqu’un » au sens de le maltraiter – expression dont on ne saurait faire argument pour notre « casser du sucre sur le dos » puisqu’elle lui est postérieure. En tout cas, la raillerie et la médisance étaient déjà bien présentes dans la symbolique du sucre et, en l’absence de certitudes, on en est réduit à imaginer que Ie sucre réel difficile à casser (« casser » connotant la démolition la destruction) et le sucre métaphorique (hypocrisie, rouerie) se soient fondus l’un à l’autre pour donner naissance à cette expression, vers le milieu du XIXe siècle, « casser du sucre » sur le compte et dans le dos de quelqu’un.
« Elle savait bien que greluche la laissait tomber et la trompait. Elle se mit à lui casser du sucre sur le dos et c’était un ceci, et c’était un cela. » (R. Guérin, L’apprenti)


Le torchon brûle

Cette locution date de la fin du XVIIIe siècle ? On l’interprète d’ordinaire comme une scène de ménage : le torchon de cuisine est en flammes, rien ne va plus dans l’harmonie domestique. Une évidence qui se révèle trompeuse, l’expression mettrait en scène un tout autre torchon, dérivé du verbe « torcher », qui avait pour sens originel « essuyer en frottant avec un bouchon de paille » (cf. le « torche-cul » de Rabelais et, encore en français moderne, « se torcher »), opération qui pouvait se pratiquer un peu vigoureusement, puisque l’une des acceptions anciennes du mot était « battre ». Un « torchon », c’était donc, dès le XVe siècle, un coup, et l’expression « coup de torchon » qui s’est répandue au cours du XIXe siècle, au sens de « dispute », « bagarre », qu’on perçoit également aujourd’hui comme un coup donné avec un torchon, est en fait redondante puisqu’elle signifie « un coup de coup » ! Mais on n’en a pas encore fini avec notre « torchon qui brûle »  un degré de sens supplémentaire étant à mettre au compte de la locution, puisque le « torchon » sert aussi à désigner une petite torche, d’où l’image, qui circule parfaitement à deux niveaux, de la torche allumée et de la bagarre qui s’enflamme.
« Les jours où le torchon brûlait, elle criait qu’on ne le lui rapporterait donc jamais sur une civière. Elle attendait ça, ce serait son bonheur qu’on lui rapporterait. » (E. Zola, L’assommoir)


Etre trempé comme une soupe

L’expression vous semble quelque peu bizarre : tremper du pain dans une soupe, d’accord, mais tremper une soupe !
On disait bien autrefois « tremper la soupe », au sens de verser le bouillon sur des tranches de pain, car la « soupe » désignait, depuis le Moyen Âge, la tranche de pain. « Tailler des soupes », qui nous semblerait aujourd’hui une formulation absurde, voulait donc dire couper des tranches de pain, et on disait encore au XVe siècle, comme le précise Furetière, « donnez-moi une soupe de pain, pour dire une tranche ».Par analogie, on a ainsi pu, pour parler de quelqu’un mouillé de pluie jusqu’aux os, forger au XVIIIe siècle la comparaison « être trempé comme une soupe », qui, lorsque vous l’emploierez désormais, n’évoquera plus pour vous un bol plein de bouillon à ras bord, mais une éponge de mie imbibée !
« Mme Mercadier préparait partout de grands feux avec Marthe, quand Pierre rentra trempé comme une soupe, son veston de coutil beige, marron foncé de pluie, la barbe dégoulinante. » (L. Aragon, Les voyageurs de l’impériale)


Citations culinaires

« Ce que l’on conçoit bien s’énonce clairement. 
Ce qu’on mange avec goût se digère aisément  » 
Georges Courteline
« Manger de l’ail. Ça rajeunit l’organisme et ça éloigne les importuns  » 
Alexandre Vialatte
« Manger quand on a faim est quand même un plaisir, 
simple certes, mais toujours agréable  » Vincent Ravalec
« Un gourmet ?… C’est un glouton qui se domine. » Francis Blanche
« Cuisiner suppose une tête légère, un esprit généreux et un cœur large  » Paul Gauguin
« La cuisine, c’est quand les choses ont le goût de ce qu’elles sont. » – 
Curnonsky
« De tous les arts, l’art culinaire est celui qui nourrit le mieux son homme. » – 
Pierre Dac
« Les aliments mal revenus font les repas mal partis. » 
- Pierre Dac
« La découverte d’un mets nouveau fait plus pour le bonheur du genre humain que la découverte d’une étoile. » – 
Brillat-Savarin
« Mon idée du ciel : manger du foie gras au son des trompettes. » – 
Sydney Smith
« Dîner chez eux présentait toujours les deux faces de l’art dramatique : le vin était une farce et la nourriture une tragédie. » – 
Anthony Powell
« Nos repas sont charmants encore que modestes, 
grâce à ton art profond d’accommoder les restes. » – 
Paul Verlaine
« Qu’un potage soit immangeable, cela ne tient parfois qu’à un cheveu. » – 
Jules Romains
« Treize à table n’est à craindre qu’autant qu’il n’y aurait à manger que pour douze. » – 
Grimod de la Reynière »Le plus grand outrage que l’on puisse faire à un gourmand, c’est de l’interrompre dans l’exercice de ses mâchoires. » 
- Grimod de la Reynière
« Chez nous, on mangeait à la carte : 
celui qui tirait l’as de pique mangeait. » 
- Woody Allen

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